L’antisepsie en néonatologie : les précautions et contre-indications

delphine verjat-trannoy

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CPias Ile-de-France – 8 rue Maria Helena Vieira da Silva – 75014 Paris
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danièle landriu

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L’antisepsie en néonatologie : les précautions et contre-indications

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Résumé

Le référentiel français en matière d’antisepsie chez l’enfant est le guide de 2007 de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Afin de pouvoir réaliser une synthèse des précautions et des contre-indications spécifiques à la néonatologie, nous avons également pris en compte l’avis SF2H de 2011 qui a fait évoluer certaines pratiques dans ce secteur. Que ce soit pour la prise en charge des prématurés ou des nouveau-nés, la liste des antiseptiques utilisables en néonatologie est limitée à trois produits, à base de chlorhexidine ou d’hypochlorite de sodium. Des risques d’effets locaux et systémiques existent pour tous, ce d’autant plus qu’ils sont appliqués sur une peau fine et immature comme celle des prématurés. Ces caractéristiques imposent, lors de leur utilisation, le respect des précautions d’usage pour limiter la survenue d’effets secondaires et une surveillance régulière des zones concernées. La maîtrise des risques liés à l’antisepsie en néonatologie repose sur le respect des indications, le choix argumenté d’un produit en fonction de ses avantages et inconvénients, l’observance des bonnes pratiques dans les étapes pouvant précéder l’antisepsie (nettoyage) ou suivre l’antisepsie (séchage spontané). La place du nettoyage ayant été revue dans le sens d’une simplification au niveau des dernières recommandations sur l’antisepsie chez l’adulte (SF2H 2016), il serait utile d’engager le même type de réflexion en pédiatrie dans le cadre d’une actualisation du guide de 2007.

Mots clés: Antisepsie - Prématuré - Infection Associée aux soins
Keywords: Antisepsis - Premature - Healthcare-associated infections

Article

En France, des recommandations nationales spécifiques à l’enfant concernant l’antisepsie existent depuis une dizaine d’années. À partir du guide de 2007 de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) [1], il est possible d’extraire ce qui concerne à la fois les enfants prématurés et les nouveau-nés (enfants nés à terme) nécessitant une prise en charge particulière, qui sont les deux principaux profils d’enfants accueillis en néonatologie. En effet, le choix d’un antiseptique (ATS) est fonction de l’âge et de la prématurité de l’enfant. Deux ans après la publication de ce guide, un audit national sur la pose des cathéters veineux périphériques a montré que le taux de conformité en matière de produits antiseptiques utilisés pour la préparation cutanée était de 56 % pour les enfants prématurés et les nouveau-nés (0-1 mois) (N = 704 poses évaluées) [2]. Dans un souci d’améliorer les bonnes pratiques en néonatologie et de limiter les risques d’intolérance et les effets systémiques des antiseptiques, un nouvel avis de la SF2H spécifique à la néonatologie a été publié en 2011 [3]. Cet avis rappelle les molécules utilisables ou non en néonatologie et fait de nouvelles recommandations pour les prématurés, telles que la suppression du rinçage de l’antiseptique et l’attente de son séchage spontané pour l’antisepsie de la peau saine et du cordon. Une enquête déclarative plus récente menée en France par le réseau CClin-Arlin (enquête Nutricat 2015) auprès de 45 services a comparé les pratiques déclarées à ce nouveau référentiel : la majorité des services (environ 80 %) tiennent compte de l’âge de l’enfant et utilisent des produits antiseptiques adaptés, pour le nettoyage, l’antisepsie avant pose de cathéter ou au moment de la réfection des pansements [4]. Toutefois, les étapes finales de rinçage et de séchage sont encore présentes dans environ 30 % des cas, peut-être par méconnaissance de l’avis de 2011. L’objectif de cet article est donc de faire le point sur l’utilisation des antiseptiques en néonatologie et de sensibiliser les équipes concernées aux bonnes pratiques dans ce domaine.

Les différents profils d’enfants accueillis en néonatologie et les risques liés à l’utilisation d’antiseptiques dans ce secteur

Au sein des services de néonatologie, qui peuvent comprendre des secteurs de réanimation néonatale, des unités de soins intensifs néonatals et de médecine néonatale, sont hospitalisés deux profils d’enfants. Premièrement, les enfants prématurés, nés jusqu’à 36 semaines d’aménorrhée (SA) + 6 jours, parmi lesquels sont distingués les très grands prématurés (≤ 27 SA + 6 jours), les grands prématurés (28-32 SA + 6 jours) et les prématurés au sens strict (33-36 SA + 6 jours). Deuxièmement, les enfants nés à terme (≥ 37 SA) mais nécessitant une prise en charge spécifique du fait d’une symptomatologie clinique à la naissance (anoxie, convulsions, infections…) ou de malformations. Les enfants sont considérés comme des « nouveau-nés » jusqu’à 28 jours après leur naissance, le terme « nourrisson » étant ensuite utilisé pour les enfants de 1 à 24 mois. Le contenu de cet article cible la population majoritaire des services de néonatologie à savoir les prématurés et les nouveau-nés. Lors de l’utilisation d’antiseptiques chez les enfants, il est important de connaître les différents types de manifestations qui peuvent se produire, en lien avec l’état de maturité cutané et les conditions d’utilisation. Ces risques sont signalés par les fabricants dans le résumé des caractéristiques des produits (RCP) et la notice destinée aux utilisateurs, dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché de ces médicaments (AMM). Ils sont issus des études réalisées par les fabricants et complétés par des données de pharmacovigilance après commercialisation. À ce sujet, les professionnels de santé et les équipes d’hygiène sont invités à faire remonter tout effet indésirable observé via le nouveau portail des déclarations d’événements sanitaires indésirables accessible sur Internet (voir note).

Les risques d’effets locaux par contact

Une irritation peut être observée à la suite d’applications répétées d’un même produit, notamment dans des conditions de confinement de celui-ci (sous un pansement occlusif ou sous une couche). Ce risque impose de ne pas appliquer une trop grande quantité de produit sur la peau et une surveillance stricte. Il s’agit d’une réaction inflammatoire généralement limitée à la zone de contact du produit. Elle se manifeste par une rougeur de la peau qui peut alors peler ou se fissurer [5]. Certains enfants peuvent développer une allergie au contact de produits antiseptiques contenant des principes actifs ou des excipients potentiellement allergisants : elle prend la forme d’un eczéma qui peut s’étendre au-delà de la zone de contact avec le produit. Il est identifiable par la présence de rougeurs, d’un gonflement et éventuellement de petites vésicules [5]. Des cas de brûlures chimiques au niveau du site d’application ont été également signalés par certains fabricants chez des nouveau-nés lors d’actes invasifs et des enfants prématurés (< 32 semaines de gestation) dans les deux semaines après la naissance. Chez les grands prématurés, des nécroses cutanées hémorragiques avec alcoolémie élevée ont été décrites suite à l’application de solutions antiseptiques à 70 % d’alcool [1].

Les risques d’effets systémiques par absorption cutanée

Des perturbations de la fonction thyroïdienne ont été rapportées suite à l’utilisation de produits iodés, utilisés de façon ponctuelle ou itérative, en lien avec un passage transcutané de l’iode [1]. Les réactions allergiques générales (urticaire, œdème de Quincke, bronchospasme ou choc anaphylactique) semblent nettement plus rares que les effets locaux. Ce risque n’est signalé que dans certaines notices ou RCP. Quand elles surviennent, c’est qu’une partie des produits chimiques appliqués sur la peau a traversé l’épiderme, est passée dans la circulation sanguine et n’a pas pu être rapidement métabolisée ou éliminée. L’importance de l’effet systémique est corrélée au rapport surface/masse corporelle, très élevé chez les prématurés et les nouveau-nés. La pénétration des produits à travers la peau est d’autant plus importante que la peau est peu épaisse et les structures cutanées non encore matures. C’est le cas chez les enfants prématurés, notamment nés à moins de 34 SA : la peau étant très fine (ex : 20 µm à 30 SA) et immature, elle ne peut jouer son rôle de barrière. Ce risque est moins important chez les enfants nés à terme, la peau étant proche de celle de l’adulte, à la fois en épaisseur (50 µm) et en maturité des structures cutanées [7]. La peau du prématuré né à plus de 32 SA pourrait rejoindre celle de l’enfant né à terme en deux à trois semaines après la naissance grâce à une maturation rapide liée aux contacts de la peau avec l’environnement [7]. Ce passage transcutané peut être favorisé par un confinement (pansement occlusif). D’autre part, la vascularisation cutanée s’installe chez l’enfant né à terme dans les quatre semaines après la naissance [7]. Le passage dans la circulation sanguine est donc plus limité chez le prématuré que chez l’enfant né à terme. En ce qui concerne le rapport surface/masse corporelle, celui-ci est deux à trois fois plus élevé chez l’enfant à la naissance que chez l’adulte. En cas de pénétration des substances chimiques dans le système vasculaire de l’enfant, il entraîne une concentration plasmatique plus élevée que chez l’adulte et un risque d’effet systémique différent de l’adulte [7]. Enfin, pour ce qui est de la capacité de détoxification de l’organisme, après pénétration du produit chimique, la maturité fonctionnelle des systèmes métaboliques (distribution, métabolisme, excrétion) n’intervient que vers l’âge d’un ou deux ans [7]. L’élimination des produits est donc ralentie chez les prématurés. Les produits antiseptiques appliqués sur la peau peuvent être plus ou moins bien tolérés, pénétrer dans l’organisme dans certaines conditions d’usage et exposer l’enfant à un risque de toxicité. Chez les prématurés et les nouveau-nés, les produits antiseptiques doivent donc :

  • être utilisés quand ils sont nécessaires,
  • être choisis avec soin,
  • être utilisés avec précaution en suivant rigoureusement les recommandations.

« Utiliser un antiseptique quand il est nécessaire » : les indications de l’antisepsie en néonatologie

Les antiseptiques sont utilisés pour diminuer la quantité de micro-organismes présents sur la peau et les muqueuses, ce qui est rendu possible par leur activité antimicrobienne. La pratique de l’antisepsie vise à prévenir la survenue d’infections dans différentes situations de soins de risques variables : pour des zones corporelles à risque spécifiques du nouveau-né (cordon ombilical) et pour les actes invasifs à haut risque (pose de cathéters centraux ou ombilicaux, ponctions, actes chirurgicaux…) ou à risque intermédiaire (pose de sonde urinaire, pose de cathéter veineux périphérique…). L’antisepsie concerne également les soins liés au maintien de certains dispositifs invasifs (cathéters). Les principales indications de l’antisepsie en service de néonatologie peuvent également être classées selon le tissu-cible (Encadré).

« Choisir les produits avec soin » : les antiseptiques utilisables en néonatologie et les contre-indications

Les antiseptiques sont des produits de santé avec un statut de médicament soumis à une autorisation de mise sur le marché. L’AMM n’est délivrée qu’après vérification de l’efficacité et de l’innocuité des produits, sur la base des études fournies par les fabricants. Sur l’ensemble des antiseptiques commercialisés en France, seuls certains peuvent être utilisés pour les nouveau-nés ou les prématurés. Le guide de 2007 de la SF2H sur l’antisepsie chez l’enfant précise quelles molécules et produits sont utilisables ou non comme antiseptiques locaux à usage externe [1] (Tableaux I et II).

Contre-indications

Selon le guide SF2H de 2007 [1] complété par l’avis SF2H de 2011 [3], les produits suivants ne doivent pas être utilisés en néonatologie (prématurés et enfants de moins d’un mois) :

  • l’alcool éthylique modifié camphré (dérivés terpéniques),
  • les produits à base de chlorhexidine en solution alcoolique (hormis le produit Biseptine® faiblement alcoolisé),
  • les produits à base de polyvidone iodée, qu’ils soient aqueux, alcooliques, ou en solution moussante (Scrub).

Les différents principes actifs et les produits associés utilisables en néonatologie

Deux grands types de principes actifs peuvent être utilisés en néonatologie : l’hypochlorite de sodium de la famille des produits chlorés et la chlorhexidine de la famille des biguanides. Les principaux produits commercialisés correspondants sont décrits dans le Tableau I. La sélection qui y est décrite ne prend en compte que les antiseptiques considérés comme majeurs. D’autres antiseptiques pourraient être utilisés en néonatologie mais ne le sont pas pour des raisons d’efficacité insuffisante.

Critères de choix des produits

Critères de choix du savon pour l’étape de nettoyage de la peau avant antisepsie

Le nettoyage de la peau avant l’antisepsie a pour but d’éliminer les résidus organiques, de diminuer la contamination microbienne cutanée et de faciliter l’action de l’antiseptique [3]. L’activité de certains antiseptiques est en effet diminuée en présence de matières organiques (protéines, sérum, sang), en particulier les produits chlorés. Quels que soient le profil de l’enfant et l’antiseptique retenu, un savon doux liquide peut être utilisé pour l’étape de nettoyage, ceci à condition que la peau soit bien rincée (eau stérile) et qu’elle soit séchée par tamponnement avant l’application de l’antiseptique. En effet, certains antiseptiques peuvent être inhibés dans leur activité par la présence de molécules anioniques présentes dans les savons. Quand le produit prévu pour l’antisepsie est la Biseptine®, le nettoyage peut être réalisé de deux manières : soit avec le produit Biseptine® lui-même, le fabricant de ce produit lui attribuant des propriétés « légèrement détergentes » liées à la présence d’un tensioactif cationique, le chlorure de benzalkonium (dans ce cas, le produit sera appliqué deux fois sans rinçage intermédiaire) ; soit à l’aide d’un savon doux, surtout en présence de souillures visibles, le nettoyage étant reconnu plus efficace avec les tensioactifs anioniques [6]. À noter que le guide SF2H de 2007 [1] autorise l’utilisation d’un savon antiseptique à base de chlorhexidine en alternative au savon doux avant l’application de Biseptine® comme antiseptique pour les nouveau-nés (hors prématurés). Ce savon (Hibiscrub®), commercialisé par la Société Mölnlycke Health care, comporte une formulation simple en ce qui concerne le principe actif (digluconate de chlorhexidine à 4 %) mais plus complexe en termes d’excipients dans la liste desquels figurent des substances parfumantes.

Critères de choix de l’antiseptique pour l’étape d’antisepsie proprement dite

L’état de prématurité et l’âge de l’enfant sont les principaux critères de choix, reposant sur la tolérance vis-à-vis des produits. Le spectre d’action du produit, les tissus concernés par l’antisepsie (peau ou muqueuse), la composition des produits et la facilité d’utilisation sont également des critères d’aide à la sélection du meilleur produit (évaluation bénéfice/risques). En ce qui concerne le spectre d’activité, d’après les AMM, l’activité antimicrobienne de base de ces différents produits (Amukine®, Biseptine® et Dakin Cooper® stabilisé) est identique (bactéricidie sur micro-organismes à Gram positif et négatif et fongicidie). Les deux produits chlorés ont cependant un spectre plus large incluant les virus (virucidie). D’autre part, pour ce qui est du champ d’application des antiseptiques (Tableau II), le produit Amukine® est utilisable sur la peau, y compris la peau lésée comme le cordon ombilical, et sur toutes les muqueuses y compris oculaires et buccales. Ce produit est également préconisé en cas de sondages urinaires évacuateurs itératifs. Ce champ large est en lien avec une concentration faible en chlore actif du produit. La Biseptine® n’est pas utilisable sur les muqueuses du fait de la présence de chlorhexidine et d’alcool dans sa composition. Sur le plan de la composition (Tableau III), les produits Amukine® et Dakin Cooper® stabilisé ont le même principe actif (chlore actif) à des concentrations différentes (le Dakin Cooper® stabilisé est plus concentré que l’Amukine®). Le principe actif principal de la Biseptine® est la chlorhexidine dont l’action est potentialisée par deux autres molécules : l’alcool benzylique et le chlorure de benzalkonium. Les principes actifs de ces différentes formulations ont tous un potentiel allergisant (chlore, chlorhexidine). Les produits Amukine® et Biseptine® ont un nombre limité d’excipients (= eau purifiée). À propos de leur facilité d’utilisation, le produit Biseptine® peut s’utiliser sous forme de deux applications successives du même produit sans rinçage intermédiaire. Un séchage par tamponnement est toutefois préconisé entre les deux applications. L’emploi d’un produit chloré peut nécessiter, dans certaines indications, un nettoyage préalable avec un savon, par exemple pour une désinfection de la peau saine avant acte invasif à haut risque [1,3], ce qui suppose de manipuler deux produits différents. Un rinçage intermédiaire est absolument nécessaire dans ce cas du fait de l’interaction possible entre le savon et le produit antiseptique (risque de perte d’efficacité). Dans le cas des muqueuses, ce type de produit s’utilise directement sans nettoyage préalable, excepté dans le cas d’un sondage à demeure ou de la pose d’un collecteur urinaire en vue d’un prélèvement pour examen cytobactériologique des urines (ECBU) [1].

« Utiliser les produits avec précaution » : les précautions d’emploi des antiseptiques en néonatologie

Précautions générales

En néonatologie, il est recommandé d’utiliser des compresses stériles que ce soit pour le nettoyage de la peau avec un savon ou le rinçage (compresses préalablement humidifiées à chaque étape), pour le séchage ou l’application de l’antiseptique. Les conditionnements multidoses étant connus pour être à risque de contamination, il convient de privilégier les présentations en monodose quand elles existent pour le savon, l’eau et les antiseptiques ; en cas d’utilisation de flacons multidoses, noter la date d’ouverture et ne pas les utiliser de façon prolongée. Il faut respecter les préconisations du fabricant en termes de durée et conditions de conservation après ouverture (fermeture du flacon…).Il est important de surveiller les zones d’application de l’antiseptique et d’apprendre à identifier les différents types de réactions cutanées, signes d’intolérance à l’antiseptique (eczéma, irritation) ou de pratiques inadaptées.

Caractéristiques des différentes étapes de l’antisepsie selon le tissu-cible

(Tableau IV)

Antisepsie de la peau saine

Dans le guide SF2H de 2007 [1], l’antisepsie de la peau est préconisée en quatre temps pour les actes invasifs à haut risque : après le nettoyage avec un savon, un rinçage et un séchage par tamponnement sont requis avant l’application de l’antiseptique. Quand il est nécessaire (préparation cutanée avant acte invasif ou préparation du champ opératoire, acte invasif au niveau des muqueuses des voies urinaires), le nettoyage est réalisé avec un savon doux. Le nettoyage a pour objectif de décrocher les matières organiques présentes au niveau de la peau. Le rinçage intermédiaire quant à lui a pour objectif d’éliminer ces matières organiques et les résidus de savon. En pratique, ce nettoyage et ce rinçage sont particulièrement importants pour les produits Amukine® et Dakin Cooper® stabilisé, l’activité du chlore pouvant être inhibée par la présence de matières organiques et des composés anioniques du savon. En cas de nettoyage préalable avec un savon, le rinçage intermédiaire est également important pour le produit Biseptine®, la chlorhexidine et le chlorure de benzalkonium étant incompatibles avec les savons (composés anioniques). Ce rinçage est effectué à l’eau stérile sauf pour l’ophtalmologie où le produit de rinçage utilisé est le chlorure de sodium à 0,9 % (= sérum physiologique) car l’œil ne tolère pas l’eau distillée. Le séchage intermédiaire quant à lui est réalisé par tamponnement pour tenir compte de la fragilité de la peau du nouveau-né et du prématuré et des risques d’irritation. L’antiseptique est appliqué pour le temps de contact nécessaire à l’efficacité (30 secondes en général, deux minutes pour la désinfection du champ opératoire en ophtalmologie). Ce délai d’action est strictement à respecter car l’action antimicrobienne complète du produit n’est pas toujours immédiate. La zone d’application doit être limitée à ce qui est nécessaire. Initialement préconisés pour les prématurés dans le guide de la SF2H de 2007 [1], le rinçage et le séchage final ne sont plus nécessaires depuis 2011 pour l’antisepsie de la peau saine et du cordon [3]. Leur absence permet de bénéficier d’un effet rémanent par persistance du produit sur la peau, notamment pour la chlorhexidine. En revanche, il est demandé de vérifier à la fin du temps de contact la quantité d’antiseptique résiduel et de retirer l’excès éventuel à l’aide d’une compresse. Il est en effet important, pour des questions de tolérance, d’éviter le maintien d’une humidité et un contact trop prolongé de l’antiseptique. Le séchage final est spontané. Ce principe concerne également les nouveau-nés. En prévision d’un acte chirurgical sur peau saine, une toilette ou un bain précède la préparation cutanée de l’opéré.

Antisepsie du cordon ombilical

Si elle est réalisée juste après la toilette, l’antisepsie peut être faite en un temps (ATS). En cas de souillure de l’ombilic, un nettoyage, un rinçage et un séchage par tamponnement sont impératifs avant l’application de l’antiseptique (procédure en quatre temps). Dans tous les cas, il n’y a pas de rinçage final de l’antiseptique. L’éventuel excès de produit est retiré et le séchage spontané du produit est attendu. À noter que ce séchage n’a pas la même durée selon que l’antiseptique est aqueux ou alcoolique.

Antisepsie des muqueuses

En ce qui concerne l’antisepsie des muqueuses, la procédure varie selon le type de muqueuses si l’on se réfère au guide SF2H de 2007 :

  • procédure en un temps pour le sondage évacuateur (ATS) (en cas de choix de la technique avec antisepsie),
  • procédure en deux temps pour les muqueuses oculaires (ATS + rinçage au sérum physiologique),
  • procédure en trois temps pour l’antisepsie préopératoire de la muqueuse buccale (ATS + rinçage + ATS),
  • procédure en quatre temps chez le nouveau-né (nettoyage + rinçage + séchage + ATS) et en six temps chez le prématuré (nettoyage + rinçage + séchage + ATS + rinçage + séchage) pour la pose d’une sonde urinaire à demeure ou d’un collecteur urinaire pour ECBU.

Check-up avant toute antisepsie de la peau ou des muqueuses

Il convient de vérifier qu’un produit hydro-alcoolique est à proximité pour pouvoir réaliser une désinfection des mains par friction avant le premier contact avec l’enfant et à la fin des soins. Pour éviter toute interruption du soin, il faut vérifier préalablement que le plateau de soins contient :

  • des compresses stériles,
  • un savon liquide,
  • de l’eau stérile,
  • et un produit antiseptique adapté à l’enfant.

Pour les produits conditionnés en flacons multidoses :

  • s’il s’agit de la première ouverture d’un nouveau flacon, noter la date d’ouverture sur le flacon ;
  • s’il s’agit de la réouverture d’un flacon déjà entamé, vérifier que la durée de conservation n’est pas dépassée, sinon éliminer le flacon et en prendre un nouveau.

Précautions à prendre étape par étape pour le nettoyage et l’antisepsie de la peau saine et du cordon

L’ensemble de ces précautions est recensé dans la Figure. Quel que soit le nombre d’étapes, une hygiène des mains par friction hydro-alcoolique est attendue avant le premier contact avec l’enfant. La friction se prolonge jusqu’au séchage complet du produit hydro-alcoolique. Il est important vis-à-vis de l’enfant d’une part et pour l’efficacité de la friction d’autre part, que le geste suivant ne commence que lorsque les mains sont totalement sèches.

Conclusion

Les antiseptiques utilisables en néonatologie sont en nombre limité, ce qui facilite la connaissance de leurs caractéristiques et leur choix. De formulation plus ou moins complexe, ils sont reconnus efficaces mais non dénués d’effets secondaires potentiels. Ces produits sont donc à réserver à certains tissus (peau et/ou muqueuses), dans le respect d’indications précises, tout en surveillant leur bonne tolérance. Leur utilisation est soumise à des règles de bonnes pratiques spécifiques aux prématurés et nouveau-nés. Ces règles, dont certaines ont été actualisées en 2011 par un avis de la SF2H, doivent être connues de tous les utilisateurs. Ce bilan sur l’antisepsie spécifique aux enfants pris en charge en néonatologie, donne l’opportunité de délivrer un certain nombre de messages. Une des premières règles pour prévenir les erreurs et maîtriser les risques est d’essayer de ne pas multiplier les produits. Le choix doit tenir compte du profil des enfants accueillis (niveau de prématurité), des indications les plus fréquentes pour l’antisepsie, de l’écologie microbienne du service et des résultats de la surveillance clinique et biologique (colonisations, infections). Lorsque plusieurs procédures sont proposées, à niveau équivalent d’efficacité [1], il nous semble important, en service de néonatologie, de privilégier les plus simples et celles mettant en jeu le moins d’exposition à un risque chimique pour les enfants concernés :

  • nettoyage avec un savon doux plutôt qu’un savon antiseptique (par exemple, avant désinfection de la peau saine pour des actes invasifs à haut risque) ;
  • nettoyage avec un savon doux plutôt qu’une antisepsie pour le sondage évacuateur ;
  • soin du cordon ou pose de cathéter après la toilette s’il y a lieu d’en faire une.

La simplification doit également concerner les documents destinés aux utilisateurs (protocoles, fiches techniques, mode opératoire…) qui doivent être les plus clairs et les plus pédagogiques possible. Une vérification par observation de l’application de ces bonnes pratiques est à programmer régulièrement avec les services concernés. Pour faciliter la rédaction de ces documents, la mise à disposition d’un guide unique prenant en compte l’avis SF2H de 2011 et précisant la place du nettoyage dans la procédure de l’antisepsie, à l’instar des recommandations publiées en 2016 sur le thème de l’antisepsie cutanée chez l’adulte, serait d’une grande aide pour les équipes en charge de la promotion de l’hygiène en néonatologie. Remerciements : Élisabeth Laprugne-Garcia (CPias Auvergne-Rhône-Alpes, Saint-Genis Laval) et Valérie Souyri (Hôpital Robert-Debré, Paris). Note : Portail accessible sur : https://signalement.social-sante.gouv.fr/psig_ihm_utilisateurs/index.html#/accueil (Consulté le 07-07-2017).

Références

*1-Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Guide des bonnes pratiques de l’antisepsie chez l’enfant. SF2H, 2007, 45 p.

*2-Réseau CClin-Arlin. Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière. Audit cathéters veineux périphériques. Résultats nationaux. CClin-Arlin, décembre 2011, 135 p.

*3-SF2H. Antisepsie de la peau saine pour la mise en place de cathéters vasculaires, la réalisation d’actes chirurgicaux et les soins du cordon chez le nouveau-né âgé de moins de trente jours et le prématuré. SF2H, Avis 2011, 6 p.

*4-Réseau CClin-Arlin. État des lieux des pratiques d’hygiène et de prévention en néonatologie. Cathéters veineux centraux et nutrition parentérale. Enquête Nutricat 2015 : rapport. CClin-Arlin, septembre 2015, 37 p.

*5-Laverdet C, Martin L. Allergies et irritations cutanées du jeune enfant. Cahiers de la puéricultrice 2008; 220: 22-25.

*6-Fleurette J, Freney J, Reverdy ME. Antisepsie et désinfection. Edition Eska, 1995, 639 p.

*7-Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Recommandations relatives aux caractéristiques spécifiques à prendre en compte pour évaluer l’innocuité des produits cosmétiques destinés aux enfants de moins de trois ans. Afssaps, avril 2010, 17 p.

*8-Elleau C. Pathologie ombilicale en période néonatale. Journal de pédiatrie et de puériculture 2015; 28: 161-165.

*9-Imdad A, Bautista RMM, Senen KAA, et al. Umbilical cord antiseptics for preventing sepsis and death among newborns. Cochrane database Syst Rev 2013; 5: CD008635.

*10-Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Liste des Excipients à Effet Notoire. Mise à Jour de la liste et des libellés selon le Guideline européen 2003. Afssaps, Deuxième révision du 3 mars 2009, 84 p.

Conflit potentiel d’intérêts : aucun.

Citation

Verjat-Trannoy D, Landriu D. L’antisepsie en néonatologie : les précautions et contre-indications.

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