Les infections virales en néonatologie

bruno pozzetto

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Service des agents infectieux et d’hygiène – Hôpital Nord – 42055 Saint-Étienne cedex 02
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Les infections virales en néonatologie

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Résumé

Les infections virales en néonatologie sont très fréquentes et les pathogènes en cause sont variés. L’objectif de cette courte revue de la littérature concerne principalement les épidémies virales nosocomiales observées chez les nouveau-nés, qu’elles soient ou non associées aux soins. La première partie propose une vision synthétique des épidémies nosocomiales virales en néonatologie et de la façon dont elles ont été diagnostiquées, à partir d’une méta-analyse inspirée d’un travail antérieur et reposant sur la base de données Outbreak Database : parmi les 80 épidémies recensées, les infections du tractus hépatodigestif et les infections du tractus respiratoire supérieur et inférieur ont été le plus souvent rapportées ; les trois groupes d’agents les plus impliqués ont été le rotavirus, le virus respiratoire syncytial et les entérovirus. La deuxième partie de la revue décrit quelques épidémies dues à des virus plus inhabituels transmis à cause d’un manque d’hygiène ou de vaccination : virus herpès simplex de type 1 responsable d’infections disséminées souvent gravissimes, infections à norovirus compliquées d’entérocolite ulcéro-nécrosante, kératoconjonctivites à adénovirus, grippe à virus pandémique A/H1N1/2009, rhinovirus qui représentent la cause la plus fréquente d’infections néonatales graves, infections à virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Les moyens permettant de contrôler ces épidémies sont aussi abordés. La prématurité, le petit poids de naissance, l’utilisation de matériels invasifs et le manquement aux règles d’hygiène constituent un dénominateur commun de l’ensemble de ces épidémies.

Mots clés: Infection Associée aux soins - Epidémie - Nouveau-né
Keywords: Healthcare-associated infections - Disease outbreak - Newborn

Article

La documentation des infections virales s’est beaucoup développée au cours des dernières années, notamment avec les progrès considérables de la virologie moléculaire qui ont grandement facilité la mise en évidence de certains pathogènes viraux difficiles ou impossibles à cultiver. En néonatologie, les infections virales restent préoccupantes parce qu’elles concernent des nouveau-nés physiologiquement fragiles, du fait d’une relative immaturité immunitaire, d’autant plus qu’ils sont nés prématurément et qu’ils présentent des pathologies sous-jacentes parfois sévères nécessitant l’utilisation de dispositifs invasifs. Ces conditions sont encore exacerbées dans les unités de soins intensifs. L’objectif de cette courte revue de la littérature n’est pas de traiter de façon exhaustive des infections virales en néonatologie mais de centrer le sujet sur les épidémies virales nosocomiales qui y sont observées, qu’elles soient ou non associées aux soins. Après une première partie donnant une vision synthétique des épidémies nosocomiales virales en néonatologie et de leur diagnostic virologique, nous illustrerons, à partir d’exemples tirés de la littérature, quelques épidémies néonatales virales en lien avec des situations originales, récentes ou émergentes.

Données générales sur les épidémies nosocomiales en néonatologie et leur diagnostic

Nous avons conduit une méta-analyse des données publiées dans la littérature en nous basant sur l’approche méthodologique proposée en 2013 par Civardi et al. [1]. Ces auteurs ont fait appel à la base de données Outbreak Database pilotée par l’Institute for Hygiene and Environmental Medicine (note 1), qui recense la majorité des épidémies associées aux soins publiées dans la littérature. Cette source d’information est accessible gratuitement sur Internet (note 2). Nous avons suivi la démarche des auteurs de la référence en l’actualisant fin décembre 2016 : à partir de la fonction « recherche avancée » du site, nous avons utilisé le mot newborn dans le champ outbreak/setting/age et le mot virus dans le champ outbreak/microorganisms/microorganism/name. Après élimination de quelques références inappropriées ou doublons et addition de quelques articles non recensés dans cette base, nous avons identifié un total de 80 épidémies virales nosocomiales en néonatologie abordées dans la littérature entre 1975 et décembre 2016. La revue citée précédemment avait sélectionné 64 références pour la période 1975-2011, ce qui souligne une accélération du nombre de publications dans ce domaine, probablement en relation avec une amélioration des outils d’investigation virologique. Le Tableau I synthétise les résultats de cette méta-analyse en présentant les 80 épidémies par rapport à trois critères : la localisation de l’infection (avec plusieurs localisations possibles pour une même épidémie), les sources présumées, et le virus identifié comme agent responsable. La cause la plus fréquente d’épidémies nosocomiales en néonatologie est représentée par les infections gastro-intestinales avec le rotavirus comme agent causal prédominant [2,3]. Les infections du tractus respiratoire inférieur arrivent en deuxième position et peuvent même être considérées comme prédominantes si on y inclut les pneumopathies. Ces infections se caractérisent par la diversité des agents viraux potentiellement impliqués et par une gravité beaucoup plus préoccupante que celle des infections à tropisme digestif [4]. Fort heureusement, le nombre de cas impliqués est beaucoup plus faible. Les infections oculaires et celles de la sphère otorhinolaryngologiste occupent la troisième place du classement, pour ce qui est du nombre d’épidémies rapportées. Les agents en cause sont également multiples ; il peut être utile de faire des typages pour s’assurer qu’il s’agit bien de cas groupés avec une origine commune. Quand la source présumée est identifiée, c’est le cas index qui est en cause dans la très grande majorité des cas, même si le personnel soignant, la mère du cas index ou du matériel contaminé peuvent être à l’origine de certaines épidémies (Tableau I). Les mesures d’hygiène permettant le contrôle de ces épidémies n’ont rien de spécifiques : tri des patients infectés, isolement et cohorting, hygiène des mains renforcée, utilisation d’équipements de protection individuelle, port d’une tenue adaptée… pour les plus fréquentes d’entre elles [1]. La fermeture de l’unité de soins est parfois nécessaire de même que des mesures thérapeutiques spécifiques : vaccination, antibiothérapie ciblée, antigrippaux, anticorps monoclonaux anti-RSV (virus respiratoire syncytial), etc. Le diagnostic des infections néonatales virales se base principalement sur les méthodes de détection directe des agents infectieux qui reposent soit sur la détection d’antigènes (méthodes immuno-enzymatiques et immuno-chromatographiques notamment), soit de plus en plus sur les techniques moléculaires. Les résultats peuvent être disponibles en quelques minutes à quelques heures, permettant une prise en charge rapide et personnalisée. Les tests moléculaires sont les plus sensibles et autorisent la recherche d’un panel très large d’agents viraux. Les techniques centrées sur la réaction en chaîne (PCR) par polymérase quantitative (qPCR) permettent de mesurer la « charge virale » du prélèvement, ce qui peut être important pour apprécier son infectiosité qui est également un reflet direct du niveau de contagiosité du patient. Une place à part doit être faite aux techniques moléculaires qui proposent une approche syndromique [5]. L’objectif est ici de détecter, à partir d’un même échantillon, un ensemble de pathogènes (virus mais aussi bactéries ou champignons) potentiellement impliqués dans la pathologie concernée. Ces technologies hautement sophistiquées permettent, sans perte de sensibilité, de détecter jusqu’à trente pathogènes différents à partir d’un seul échantillon. Dans l’investigation des épidémies nosocomiales néonatales, les infections respiratoires ou gastro- intestinales se prêtent tout particulièrement à cette approche diagnostique, qui se développe très rapidement grâce à une offre commerciale de plus en plus étendue et dont le seul inconvénient reste un coût encore élevé. Enfin, l’investigation de cas groupés en milieu de soins peut conduire à mettre en œuvre des techniques de typage pour déterminer si les différents agents identifiés sont reliés sous l’angle épidémiologique. Cela n’est pas nécessaire lorsque l’agent infectieux est assez inhabituel (coronavirus HKU1 par exemple) ou en cas d’épidémie communautaire simultanée déjà identifiée (grippe ou gastro-entérite à rotavirus par exemple). En revanche le typage antigénique (sérotypage) ou moléculaire (génotypage) peut être utile pour relier entre elles des souches circulant de façon relativement courante (voir le premier exemple du chapitre suivant).

Exemples choisis d’épidémies nosocomiales virales néonatales

Cas groupés d’herpès néonatal à Sapporo, Japon, au siècle dernier

Ce premier exemple a été publié en 1986 et concerne deux séries de trois cas d’infections à virus herpès simplex de type 1, dans le service de néonatologie de l’hôpital de Sapporo [6]. Le premier épisode, survenu en 1983, a touché trois enfants : le premier nouveau-né a développé un herpès néonatal disséminé à partir des lésions génitales de sa mère et est décédé à huit jours de vie ; le deuxième, né deux jours après le précédent, a été contaminé à partir de la même couveuse et est mort d’une infection herpétique disséminée à douze jours de vie ; le troisième était hospitalisé dans une couveuse située à deux mètres de la précédente et a développé un herpès cutanéomuqueux auquel il a survécu. Les trois souches se sont avérées identiques après analyse des profils de restriction avec l’enzyme Sal1 (Figure 1A, souches G-36, G-37 et G-38, respectivement). Le deuxième épisode est beaucoup plus inhabituel : il concerne trois nouveau-nés hospitalisés respectivement en février 1980, mai 1982 et novembre 1983 dans ce même service de l’hôpital de Sapporo ; les deux premiers sont décédés d’une infection herpétique disséminée tandis que le troisième a fait une forme bénigne et a survécu. Les mères des trois enfants étaient indemnes de lésions herpétiques au niveau génital. Comme pour l’épisode précédent, les trois souches se sont avérées identiques entre elles après analyse des profils de restriction avec l’enzyme Sal1 (Figure 1B, souches 1, 2 et 3). L’hypothèse soulevée par les auteurs pour expliquer ces trois infections distantes de plus de trois ans est la présence d’un soignant de l’unité porteur d’une infection herpétique récidivante qui s’est réactivée et a contaminé les trois nouveau-nés. À noter que ce cas index n’a pas pu être identifié. Cette publication souligne l’importance d’isoler les enfants porteurs d’infection herpétique, de dépister et d’exclure les soignants porteurs de lésions cutanées récidivantes en cours de réactivation et de conduire des études épidémiologiques moléculaires pour typer les souches. L’utilisation de traitement systémique par acyclovir est recommandée pour contrôler ces infections.

Épidémie d’infections à norovirus compliquées d’entérocolite nécrosante dans un service de néonatologie à Pavie, Italie

Le deuxième exemple, publié en 2011, rapporte une épidémie à norovirus dans une unité de néonatologie de Pavie, ayant concerné 27 nouveau-nés (taux d’attaque de 22 %) d’âge gestationnel compris entre 25 et 40 semaines [7]. Cinq enfants étaient asymptomatiques ; six enfants ont présenté des signes mineurs de gastro-entérite ; et seize enfants ont développé un tableau d’entérocolite ulcéronécrosante avec selles sanglantes, distension abdominale, sepsis et, pour l’un d’entre eux, perforation digestive. Tous les nouveau-nés ont survécu, dont deux avec des séquelles. La source de l’épidémie et le cas index n’ont pas pu être identifiés. Malgré les mesures d’isolement et d’hygiène renforcées (masques, surblouses, hygiène des mains, désinfection environnementale avec de l’eau de javel) mises en place, l’épidémie n’a pu être contrôlée qu’après fermeture de l’unité pendant un mois. Cette épidémie souligne, avec d’autres publications [8,9,10], le rôle des norovirus dans la survenue de cas graves d’entérocolite ulcéro-nécrosante chez des nouveau-nés. La mise en évidence du virus peut se faire par test ELISA comme dans cette épidémie ou par PCR. Il est intéressant de noter que les tableaux cliniques d’entérocolite dus aux norovirus sont non spécifiques par rapport à ceux dus à des bactéries ou à d’autres virus (rotavirus et coronavirus notamment [11]).

Épidémies de kératoconjonctivites (KC) à adénovirus transmises par du matériel ophtalmologique contaminé à Izmir et à Malatya, Turquie

Deux publications de 2012 rapportent des épidémies de KC à adénovirus dans des unités de soins intensifs de néonatologie survenues à Izmir [12] et Malatya [13]. Elles rappellent que ce virus, très résistant dans le milieu extérieur, peut être transmis par du matériel ophtalmologique mal décontaminé. Dans la première épidémie, 26 enfants et 8 infirmières ont présenté une KC [12] ; 22 des 26 nouveau-nés avaient subi un examen ophtalmologique pour l’investigation d’une rétinopathie du prématuré, les quatre autres ayant partagé le même box que les enfants infectés et ayant reçu des soins du même personnel infirmier [12]. L’épidémie s’est étalée sur 32 jours et a pu être contrôlée par l’instauration de mesures strictes d’hygiène et d’isolement associées à l’éviction des personnels malades. Aucune complication (notamment respiratoire) ni séquelle n’a été observée. La deuxième épidémie a concerné quinze nouveau-nés, cinq soignants et quatre parents [13]. Une rétinopathie du prématuré a été identifiée comme le facteur de risque majeur pour la survenue d’une KC à adénovirus. La source de l’infection a été dévolue à l’écarteur à paupières qui n’était pas stérilisé après chaque utilisation. L’épidémie s’est étalée sur un peu moins de deux mois. Comme précédemment, elle a été contrôlée par un renforcement des mesures d’hygiène (notamment celles relatives au matériel ophtalmologique) et par l’éviction des personnels infectés. Aucune séquelle n’a été observée. Ces deux épisodes illustrent le rôle du matériel médical comme source potentielle d’épidémies nosocomiales en néonatologie et la nécessité de respecter des mesures strictes de stérilisation et de désinfection des matériels critiques.

Épidémies de grippe à virus influenza A/H1N1/2009 en néonatologie : rôle des soignants non vaccinés et intérêt de l’oseltamivir pour contrôler l’épidémie

La pandémie grippale de 2009 a été l’occasion de décrire plusieurs épidémies survenues dans des unités de néonatologie. L’étude de Tsagris et al. relate des pneumonies grippales chez deux prématurés dans un service néonatal de soins intensifs à Athènes [14] ; un troisième cas s’est limité à une fièvre et à une rhinite. L’évolution a été favorable pour les trois patients. La source de l’infection a été rapportée à des soignants infectés non vaccinés. Le taux de vaccination antigrippale était de 63 % pour le personnel médical, de 15 % pour le personnel paramédical et de 50 % chez les auxiliaires de soins. L’étude de Milupi et al. rapporte trois cas de grippe non compliquée survenus dans l’unité de soins intensifs néonatals d’un hôpital du Yorkshire, Grande-Bretagne [15]. Le cas index a probablement été infecté au contact de sa mère ; le système de ventilation à pression positive a été incriminé dans la survenue des deux autres cas. La couverture vaccinale était de 46 % pour le personnel soignant de l’unité. Deux autres études se sont attachées à montrer l’intérêt à la fois curatif et prophylactique de l’oseltamivir pour traiter les épidémies néonatales de grippe. Dans l’étude conduite dans un service néonatal de soins intensifs à Los Angeles, États-Unis, quatre nouveau-nés ont été traités à titre curatif et sept à titre préventif [16]. Dans une autre étude du même type réalisée à Cape Town, Afrique du Sud, cinq enfants ont été traités à titre curatif et quatre à titre prophylactique par oseltamivir ; trois de ces enfants ont été probablement infectés par leur mère et trois autres par un personnel soignant grippé [17]. Un enfant prématuré présentant une persistance du canal artériel et une détresse respiratoire est décédé d’une entérocolite nécrosante trois jours après l’instauration du traitement par oseltamivir. En dehors de ce cas dont la cause du décès semble plurifactorielle, l’oseltamivir a été bien toléré dans les trois études où il a été utilisé [14,16,17]. Ces cas de grippe nosocomiale néonatale illustrent la gravité potentielle de cette pathologie sur un terrain souvent fragilisé par la prématurité et les comorbidités. Des efforts doivent être déployés pour améliorer la couverture vaccinale du personnel soignant [18]. L’utilisation de l’oseltamivir représente une alternative thérapeutique à discuter au cas par cas.

Épidémies nosocomiales néonatales à rhinovirus : une pathologie émergente ?

En dehors des virus influenza, de nombreux virus à tropisme respiratoire peuvent être responsables d’épidémies néonatales nosocomiales (Tableau I). Parmi ceux qui ont fait l’objet de publications au cours des cinq dernières années, on peut citer le RSV [19,20], les virus parainfluenza [21] et les parechovirus [22]. Avec l’amélioration des outils diagnostiques et l’introduction de tests moléculaires monoplex ou multiplex, les rhino-virus apparaissent comme une source de plus en plus fréquente d’épidémies en néonatologie : sept cas groupés en mars 2010 à Victoria, Australie [23], seize cas -dont deux clusters en avril (sept cas) et en juillet (quatre cas)- en 2011 à Vienne, Autriche [24], et deux cas groupés à Denver, États-Unis [25]. Dans deux de ces épidémies [23,25], le virus en cause appartenait au type C ; les virus n’ont pas été typés dans la troisième publication. Des troubles respiratoires, de la toux et des apnées ont été les signes cliniques le plus souvent identifiés ; une supplémentation en oxygène ou une ventilation mécanique a été nécessaire chez 20 des 25 cas. Un seul patient est décédé d’une maladie métabolique sans lien avec l’infection à rhinovirus. La source précise de l’infection n’a été identifiée précisément dans aucune des trois publications, même si le rôle de soignants ou de membres de la famille paucisymptomatiques a été fortement suspecté. Une excrétion virale prolongée (de l’ordre de quatre semaines par PCR) souligne le caractère épidémiogène de ces agents, dont on rappelle la survie prolongée dans l’environnement du fait de l’absence d’enveloppe et la circulation tout au long de l’année (et pas seulement pendant les périodes froides). Les épidémies ont été contrôlées par la mise en place de mesures d’isolement et de cohorting associées à des précautions complémentaires de types gouttelettes et contact. Il est important d’ajouter qu’une étude prospective conduite pendant deux ans (2003-2005) à Buenos-Aires, Argentine, avait démontré que les rhinovirus étaient de très loin les pathogènes le plus souvent en cause au cours des infections respiratoires et des bronchiolites chez les nouveau-nés de très faible poids de naissance [26]. L’ensemble de ces observations illustre la nécessité de considérer les rhinovirus comme d’authentiques pathogènes nosocomiaux, à rechercher systématiquement en situation épidémique au sein des unités de néonatologie.

Infections nosocomiales à virus Ebola chez des nouveau-nés

L’épidémie à virus Ebola qui a sévi entre 2013 et 2015 en Afrique de l’Ouest a été d’une ampleur sans précédent. L’étude de Dunn et al. rapporte les investigations conduites dans une maternité du district de Tonkolili, Sierra Leone, en octobre 2014, suite à l’hospitalisation d’une femme en fin de grossesse dont le travail s’est prolongé cinq jours avant qu’elle donne naissance à son enfant par césarienne [27]. La femme est rapidement décédée dans les suites de l’accouchement dans un tableau de fièvre et d’hémorragies, confirmé a posteriori comme étant consécutif à une infection par le virus Ebola. Au total, 46 personnes identifiées ont été en contact avec le cas index, dont 25 soignants, quatre patientes de la même maternité et quatre nouveau-nés (y compris celui du cas index). Six de ces contacts (taux d’attaque de 13 %) ont développé une infection à virus Ebola, confirmée par PCR, et tous sont décédés : le nouveau-né, un soignant et un aide-soignant du cas index, une mère qui avait utilisé les mêmes toilettes que le cas index ainsi que son nouveau-né et un de ses soignants. Aucune mesure efficace de protection n’avait été utilisée par ces six victimes. Cette étude souligne que le risque d’acquérir une infection à virus Ebola est particulièrement élevé dans les unités de soins admettant des patients dont le statut vis-à-vis de ce virus n’est pas connu. Elle illustre également, dans un contexte épidémique de fièvre hémorragique virale, la pertinence des recommandations édictées par l’Organisation mondiale de la santé relatives à la mise en place systématique de mesures d’isolement des patients et de protection des soignants [28].

Conclusion

Cette revue forcément incomplète et volontairement partiale de la littérature montre la grande variété des pathogènes viraux qui peuvent circuler au sein des unités de néonatologie. Le nouveau-né hospitalisé cumule souvent les facteurs de risque (prématurité, immaturité du système immunitaire, pathologies sous-jacentes, multiplication des gestes invasifs, concentration de sujets potentiellement infectés…) qui facilitent l’émergence de processus épidémiques. L’observance rigoureuse des précautions standard, la vaccination plus large des personnels de santé, la possibilité de mieux anticiper les phénomènes épidémiques saisonniers, le développement des méthodes de diagnostic rapide (notamment les outils de diagnostic moléculaire syndromique), l’utilisation à bon escient des antiviraux, la mise en œuvre sans délai des précautions complémentaires d’hygiène, le dépistage précoce et le regroupement des nouveau-nés infectés sont autant de mesures qui devraient permettre de mieux prévenir et de maîtriser les épidémies nosocomiales virales chez les nouveau-nés, à condition de se convaincre de leur utilité et d’avoir la volonté de les appliquer. Notes 1- Hôpital de la Charité, Université de médecine, Berlin. 2- www.outbreak-database.com

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Conflit potentiel d’intérêts : aucun.

Citation

Pozzetto B, Pillet S, Patural H, Cantais A, Mory O, Gagnaire J, Berthelot P. Les infections virales en néonatologie.

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