Dans les hôpitaux, la transmission de bactéries résistantes aux antibiotiques (RAB) peut survenir par l’intermédiaire des biofilms présents dans les siphons d’éviers, ce qui peut conduire à des infections. Malgré le rôle potentiel de ces canalisations dans la transmission des RAB responsables d’infections nosocomiales, leur surveillance systématique reste absente dans la plupart des établissements. Il n’existe donc pas, à ce jour, de compréhension globale des mécanismes de transmission des RAB, ni de la diffusion des gènes de résistance aux antibiotiques (GRA) et des éléments génétiques mobiles (EGM) associés via ces canalisations. Cette étude a employé une approche multidimensionnelle pour surveiller les bactéries aérobies totales ainsi que la présence d’entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC), le microbiote et le résistome des biofilms de siphons d’éviers (BSE) et des eaux usées hospitalières (EU) de deux unités de soins intensifs (USI) distinctes au sein du même établissement de santé en France. Des échantillons de BSE et d’EU ont été prélevés mensuellement, de janvier à avril 2023, dans l’USI néonatale (USIN) et l’USI adulte (USIA) du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes. Dans l’USIN, la désinfection des siphons d’éviers avec des tensioactifs était réalisée de manière systématique. Dans l’USIA, aucune désinfection systématique n’était effectuée. Les bactéries aérobies cultivables ont été quantifiées sur milieux non sélectifs, et les EPC ont été recherchées à l’aide de deux géloses sélectives. Les isolats ont été identifiés par spectrométrie de masse MALDI-TOF, et des tests de sensibilité aux antibiotiques ont été effectués sur les entérobactéries et P. aeruginosa. Le résistome a été analysé par qPCR à haut débit ciblant plus de 80 GRA et EGM. Le microbiote bactérien global a été évalué par séquençage complet de l’ARNr 16S. Aucune EPC n’a été isolée des BSE dans les deux USI par culture bactérienne. Les approches indépendantes de la culture ont révélé une composition globalement distincte du microbiote des BSE dans les deux USI. Les BSE de l’USIA étaient dominés par des pathogènes comprenant des genres bactériens à Gram négatif incluant Pseudomonas, Stenotrophomona, Klebsiella, et le genre à Gram positif Staphylococcus, tandis que les BSE de l’USIN étaient dominés par les genres à Gram négatif Achromobacter, Serratia et Acidovorax, ainsi que par les genres à Gram positif Weisella et Lactiplantibacillus. En revanche, le résistome des BSE ne présentait aucune différence significative entre les deux USI, indiquant que l’abondance des GRA et des EGM est indépendante de la composition du microbiote et des pratiques de désinfection. Les EU de l’USIA présentaient des bactéries aérobies plus distinctes que les EU de l’USIN. De plus, les EU de l’USIA ont fourni 15 EPC, tandis que les EU de l’USIN n’ont fourni qu’une seule EPC. Toutes les EPC ont été caractérisées au niveau de l’espèce. Le microbiote des échantillons d’EU de l’USIN et de l’USIA différait de leurs BSE respectifs et présentait des variations distinctes sur la période de quatre mois : les EU de l’USIA contenaient un plus grand nombre de gènes conférant une résistance aux quinolones et de gènes d’intégrase d’intégron, tandis que les EU de l’USIN présentaient une abondance plus élevée de gènes de résistance aux streptogramines. Notre étude a démontré que le résistome des BSE hospitaliers dans les deux USI de l’établissement de santé étudié est indépendant du microbiote, de l’environnement et des mesures de désinfection locales. Cependant, la prévalence des EPC dans les conduites d’évacuation collectant les effluents des éviers étudiés différait. Ces résultats offrent des perspectives précieuses sur la résilience des gènes de résistance dans les BSE des USI, soulignant la nécessité de stratégies novatrices pour lutter contre la résistance aux antibiotiques en milieu hospitalier.
Hennebique A, Monge-Ruiz J, Roger-Margueritat M, et al. The hospital sink drain biofilm resistome is independent of the corresponding microbiota, the environment and disinfection measures. Water Res. 2025;284:123902. Doi : 10.1016/j.watres.2025.123902.