Les nouveau-nés sont menacés par des risques infectieux spécifiques et nombreux dont les conséquences sont majeures sur le plan de la survie et du handicap postnatal, avec des coûts de prise en charge élevés qui ont été étudiés de longue date [1,2]. C’est particulièrement le cas s’ils naissent prématurément, avant 37 semaines d’aménorrhée, du fait de leur incompétence immunologique relative et d’autres fragilités. Les progrès considérables des techniques de réanimation ont permis la survie de nouveau-nés de très petit poids, avec des durées de séjour augmentées en unités spécialisées, des procédures invasives plus nombreuses et une plus grande exposition aux antibiotiques. Ce sont autant de facteurs de risque additionnels pour la partie « associée aux soins » de ces infections. Celle-ci s’est considérablement accrue [3,4] avec l’extension et la sophistication des soins néonatals, bien qu’une meilleure maîtrise des risques s’observe aujourd’hui au moins pour certains soins, comme l’assistance ventilatoire. En l’absence de mesures préventives effectives, la fréquence des infections néonatales (INN) de tous ordres est élevée : de 10 à 30 % des enfants entre 0 et 28 jours selon les pays et la nature de l’unité qui les accueillent. Ce niveau de risque impose l’adoption de stratégies préventives et thérapeutiques qui heureusement existent pour les différents types d’infections, qu’elles soient associées aux soins ou non. Leur mise en œuvre nécessite une mobilisation et une coordination sans faille des équipes de soins. Cet article présente les conditions de survenue des infections néonatales, avec un intérêt particulier pour les infections associées aux soins (IAS) dans les services de soins intensifs ou de réanimation néonatale.
Les unités de néonatologie en France
Spécialité pédiatrique, la néonatologie travaille en lien étroit avec l’obstétrique et prend en charge les nouveau-nés dont l’état le nécessite. L’organisation d’ensemble est très encadrée. En France, elle a été l’objet de plusieurs plans nationaux et de textes réglementaires [5,6,7,8]. Pour l’obstétrique et la néonatologie qui lui est liée, cette organisation comporte trois niveaux depuis juillet 1999 :
- Niveau I : pour accueillir la naissance d’enfants bien-portants ayant seulement besoin de soins de puériculture en maternité.
- Niveau II : pour les mères dont l’enfant exige des soins de néonatologie (avec soins intensifs ou non, mais sans réanimation) : naissance avant 33 semaines d’aménorrhée et poids estimé supérieur à 1 500 g.
- Niveau III : concerne les mères dont le nouveau-né exige des soins de réanimation néonatale : naissance avant 33 semaines d’aménorrhée et/ou poids estimé inférieur à 1 500 g, en cas de souffrance fœtale chronique ou de malformations nécessitant une prise en charge immédiate, ou en cas de pathologies sévères de la mère (syndromes hémorragiques graves, toxémies sévères, etc.).
Environ 800 000 naissances vivantes sont comptabilisées en France chaque année dans 536 maternités (en métropole) et 23 dans les DOM-TOM. Ces maternités se répartissent en 49 % de type I, 39 % de type II et 12 % de type III (12 %) (Source : Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, PMSI-MCO 2010). Le taux de naissances prématurées est en hausse : il est passé de 5,9 % des naissances en 1995 à 7,4 % en 2010. Environ 70 000 enfants naissent donc prématurément chaque année. Parmi eux, 85 % sont des prématurés moyens entre 32-37 semaines d’aménorrhée (SA), 10 % sont des grands prématurés (28-32 SA) et 5 % sont des très grands prématurés, nés à moins de 28 SA. Selon la Haute Aurorité de santé [9], environ 10 % des nouveau-nés requièrent une forme d’assistance respiratoire à la naissance et environ 1 % une réanimation immédiate pour restaurer la fonction cardiorespiratoire. C’est donc plus d’une dizaine de milliers de nouveau-nés qui sont, à un niveau ou à un autre, gravement menacés par des complications, notamment infectieuses.
Les infections de la période néonatale
Les INN sont l’ensemble des infections survenant entre la naissance et le 28e jour de vie. Elles sont très variées – et même hétérogènes [4] – au niveau de leurs modes d’acquisition, de leurs mécanismes pathogéniques et des micro-organismes en cause (bactéries, champignons ou virus [Voir l’article de B. Pozzetto et al.]). Elles ont cependant une caractéristique en commun : la difficulté de leur diagnostic certain en raison de la sensibilité et de la validité limitées des examens bactériologiques, notamment des hémocultures, et de présentations cliniques souvent atypiques. Globalement les mécanismes de contamination possibles d’un nouveau-né sont les suivants :
- La transmission transplacentaire : elle est réduite du fait de la bonne efficacité de la barrière placentaire. Ce peut être le cas de Treponema pallidum, de Listeria monocytogenes ou de certains virus.
- La transmission ascendante atteignant le liquide amniotique (chorioamniotite), puis le fœtus pendant la grossesse. Ce peut être le cas de Streptococcus Groupe B, d’Escherichia coli, de champignons…
- La transmission pernatale, lors de l’accouchement, de germes présents dans la filière génitale : Streptococcus Groupe B (dont la fréquence a diminué grâce aux protocoles d’antibioprophylaxie), E. coli, autres streptocoques, Neisseria gonorrhoeae…
- L’acquisition à la période néonatale, après l’accouchement, du fait d’un environnement contaminé, de transmissions interpersonnelles, de défaillances lors de la prise en charge, notamment lors des soins intensifs : aspiration, cathétérisme et perfusion, nutrition, ventilation… Les micro-organismes en cause sont très variés : Staphylococcus coagulase négatif, autres staphylocoques, entérobactéries, champignons… À cette période néonatale, une translocation à partir d’un biotope digestif déséquilibré (antibiothérapie, stase) peut aussi être à l’origine d’une infection locale ou systémique [4].
Le délai d’apparition donne une première indication de l’origine possible de l’infection, et il est habituel de distinguer les cas survenus avant ou après un certain seuil. Ce seuil n’a pas une valeur absolue : il comporte de fréquentes exceptions et peut varier avec l’écologie microbienne locale. Il est toutefois pratique de distinguer :
- les infections précoces, survenant dans les trois-quatre premiers jours, qui sont plus habituellement dues à une transmission prénatale materno-fœtale.
- et les infections tardives, après ce délai, qui peuvent être directement liées aux soins, mais aussi à l’environnement général du nouveau-né ou à une perturbation lors de l’acquisition de son biotope.
Le Tableau I présente les modes d’acquisition des INN les plus fréquents en fonction du délai de survenue.
Les facteurs de risque d’infection néonatale
Un facteur de risque est commun à la majorité des INN : l’immaturité immunitaire liée à la prématurité et au petit poids de naissance (PN) (Le développement des défenses immunitaires du nouveau-né et du prématuré fait l’objet de l’article de B. Le Mauff et al.). Les premiers jours de la vie connaissent un équilibre fragile entre la transmission des anticorps maternels et l’immunité acquise qui se met en place, entre tolérance immunitaire (mère-fœtus) et défense anti-infectieuse. Aussi on observe que le PN, ainsi que l’âge gestationnel (AG) sont inversement proportionnels au risque infectieux : la totalité des études épidémiologiques montrent un très fort gradient de l’infection (sur cathéter ou autres) en fonction du PN et de l’AG. Liée au poids de naissance, mais ayant un rôle indépendant, la sévérité des pathologies associées intervient aussi comme facteur de risque des infections tardives. D’autres facteurs de risque d’infection (surtout précoce) sont liés au déroulement de la grossesse : rupture prématurée des membranes, chorioamiotite, fièvre pendant la grossesse et accouchement prématuré, traitements immunosuppresseurs chez la mère… La rupture prématurée de la poche des eaux – qui peut être la cause ou la conséquence d’une amnotite – est le facteur principal des infections précoces. Pour les infections primitives tardives, la prématurité et le petit PN sont là encore des facteurs de risque majeurs, avec aussi la fragilisation des téguments (la peau du prématuré est fragile et peut être altérée par plusieurs agents : produits cosmétiques, photothérapie, pansements adhésifs, moniteurs, cathéters…) (Voir l’article de D. Verjat et al.), les anomalies congénitales de la peau, la maladie des membranes hyalines et d’autres pathologies sévères du nouveau-né. Pour les IAS, la durée, l’intensité et la qualité des soins sont des facteurs additionnels importants, ainsi que la nutrition parentérale, l’exposition aux antibiotiques à large spectre et la mise en œuvre effective ou non de mesures de prévention. La surpopulation, le sous-équipement et la sous-dotation en personnel ont été aussi mis en cause dans plusieurs études. D’autres facteurs jouent un rôle plus marginal comme le sexe masculin.
Les méthodes d’étude des infections associées aux soins
Les données épidémiologiques publiées font état de taux globaux ou spécifiques assez disparates qui reflètent, en plus de différences réelles, des variations dans les méthodes d’études et dans les définitions employées. Une des difficultés est de distinguer les infections acquises pendant la période prénatale de celles acquises en postnatal, soit à la maternité, soit plus souvent en unité de soins intensifs ou de réanimation, en distinguant de plus celles qui peuvent être considérées comme « associées aux soins ».
Définitions des infections
Les définitions des IAS pour la période néonatale ne peuvent être déclinées directement des définitions utilisées pour l’adulte ou même pour les enfants plus grands. Des symptômes comme la fièvre ne sont pas adaptés. Le sepsis clinique néonatal peut se présenter par une hypothermie, une hyperglycémie, des signes respiratoires (apnée) ou neurologiques… Malgré cela les définitions établies par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) pour les nourrissons de moins de 12 mois sont fréquemment utilisées [11,12], au moins comme base pour des adaptations ou des précisions, qui se justifient dans le cadre d’études ou de surveillances particulières. Elles doivent être clairement présentées et être prises en compte lorsque sont réalisées des comparaisons de mesures dans l’espace ou le temps.
Stratification par niveaux de risques
L’incidence des infections étant étroitement corrélée au PN, ce critère doit être utilisé en priorité pour stratifier les observations épidémiologiques. Par ailleurs, comme le montrent les résultats présentés au Tableau II, les taux d’incidence d’infections peuvent être présentés globalement, mais surtout en fonction de la durée d’observation ou de la durée d’exposition à un dispositif médical spécifique. Plusieurs outils permettent de mesurer la sévérité de la pathologie à la période néonatale comme le Score for Neonatal Acute Physiology avec la Perinatal Extension-II (SNAPPE-II), ou le Clinical Risk Index for Babies (CRIB). Utilisables pour des travaux de recherche clinique, leurs résultats ont été davantage validés pour prédire la mortalité que la morbidité ou le risque infectieux.
Les réseaux de surveillance
En plus de nombreuses études monocentriques, plusieurs réseaux de surveillance fournissent des données d’incidence et constituent des bases de données importantes pour l’évaluation des risques et leur évolution dans le temps. Le premier a été développé aux USA, dans le cadre du NNIS System [13], en réunissant les données d’incidence dans une centaine d’unités intensives néonatales volontaires. Cette surveillance a été reprise aux USA dans le cadre du National Healthcare Safety Network (NHSN) depuis 2011. En Europe, des réseaux importants ont été créés notamment en Allemagne (Réseau NEO-KISS qui surveille les infections associées aux soins chez les prématurés de petits poids) et en France (Réseau Réacat qui surveille les bactériémies associées aux soins en unités de néonatologie et de réanimation néonatale). L’avantage des réseaux est d’établir une méthodologie concertée et harmonisée pour l’ensemble des participants, de fournir une aide logistique et de permettre des comparaisons dans le temps et entre unités. Qu’elles participent ou non à un réseau, les unités de soins sont vivement encouragées, pour guider leur politique de prévention, à surveiller et suivre le niveau de leur INN ou au moins de leurs IAS, en utilisant une méthodologie validée.
Les infections associées aux soins en néonatologie
Parmi les infections néonatales, les IAS comptent pour une bonne moitié des cas. Elles doivent être définies comme celles pour lesquelles il est possible de suspecter un lien direct avec une procédure de soins. Ceci exclut les infections liées aux interrelations entre la mère et le nouveau-né, ainsi que les aléas liés à la constitution perturbée du biotope néonatal (avec translocation). Les IAS sont particulières de par leur difficulté diagnostique, de par des facteurs de risque et des micro-organismes relativement spécifiques. Liée à la densité des soins, leur incidence est particulièrement élevée dans les unités de soins intensifs et de réanimation néonatale. La survie accrue des grands prématurés explique que l’incidence des IAS ait été, et soit peut-être encore globalement en augmentation (Voir l’encadré de M. Colomb-Cotinat et al.). Elles peuvent survenir rapidement après la naissance ou plus tardivement en fonction de l’exposition aux soins ou de la circulation de micro-organismes et notamment de virus dans le milieu de soins. La fréquence des IAS en néonatologie a été mesurée par d’assez nombreuses études et surtout plusieurs réseaux de soins dont quelques résultats sont résumés au Tableau II. L’expression des résultats peut se faire en pourcentage ou en densité d’incidence par jours d’hospitalisation (JH), par cathétérisme (cathéter veineux central [CVC] ou cathéter veineux ombilical [CVO]) ou plus souvent par jours d’exposition au cathétérisme (J-CVC ou J-CVO), par jours de ventilation (JV), ou globalement par niveaux de risque (PN ou AG). Des différences notables existent entre ces études qui n’utilisent ni des méthodes uniformes, ni ne portent sur des populations homogènes, notamment au niveau du poids de naissance ou de l’âge gestationnel. De plus les réseaux de surveillance montrent des différences sensibles entre les unités à niveau de risque comparable. Malgré la variabilité des mesures, elles fournissent un ordre de grandeur des risques d’IAS chez les enfants pris en charge en réanimation-soins intensifs : globalement 5 à 15 % de ceux-ci sont confrontés à ces infections, avec une prédominance des septicémies-sepsis cliniques (jusqu’à 10 cas pour 1 000 jours de cathétérisme), puis des pneumopathies (jusqu’à 5 cas pour 1 000 jours de ventilation). Cet ordre de grandeur peut être dépassé dans les pays en développement. Les bactéries en cause dans les IAS sont celles qui ont été acquises lors du passage par la filière génitale ou qui circulent dans l’environnement postnatal : staphylocoques, entérocoques, bacilles Gram négatif. Le biotope microbien du nouveau-né s’est régulièrement enrichi de micro-organismes résistants aux antibiotiques : ceux-ci seront retrouvés à l’occasion des IAS. Les infections virales et fongiques (Candida spp.) sont probablement sous-estimées.
Bactériémies liées aux cathéters
Les bactériémies liées aux cathéters sont les plus fréquentes des IAS en réanimation néonatale bien que leur incidence précise soit l’objet de controverses [22]. Leur symptomatologie peut être peu spécifique : instabilité des paramètres vitaux, arrêt de l’alimentation, changement dans le comportement général du nouveau-né… Ces difficultés diagnostiques peuvent conduire à des traitements antibiotiques inutiles générateurs de résistance. Sur le plan microbiologique, elles sont majoritairement liées à un S. aureus coagulase négatif (SCN) le plus souvent résistant à la méticilline (SARM), comme le montre le réseau Néocat (Voir l’article de F. L’Hériteau et al.) (82 % des bactériémies sur CVC et 70 % sur CVO en 2014). Moins fréquemment il s’agit d’autres staphylocoques, d’entérocoques ou d’entérobactéries (souvent résistantes aux céphalosporines). L’origine fongique (Candida spp.) des sepsis cliniques est un petit peu plus rare, mais serait maintenant plus souvent retrouvée (ou davantage recherchée) [23,24]. Un traitement antibiotique préalable (C3G) et l’administration de lipides intraveineux augmentent le risque d’infection fongique. Comme le SCN est un contaminant normal de la peau saine du nouveau-né, le risque est grand qu’une contamination des hémocultures conduise à un faux positif. Cette difficulté conduit à proposer des démarches diagnostiques élaborées, qui font l’objet de recommandations différentes selon les études et les pays : prise en compte de signes cliniques « évocateurs », réalisation de deux hémocultures, culture quantitative ou semi-quantitative, prélèvements simultanés sur le cathéter et sur le site périphérique (avec un niveau défini de différence entre deux prélèvements), mise en place d’une antibiothérapie [25]. Le réseau Néocat a intégré au mieux l’ensemble de ces critères et a élargi la surveillance au sepsis clinique sans isolement microbiologique. Le réseau allemand NEO-KISS utilise trois définitions : bactériémies cliniques (sepsis), septicémies confirmées par le laboratoire, septicémies à SCN confirmées. Quel que soit le type de cathéter mis en œuvre (ombilical, à insertion périphérique, central…), il représente une fréquente source de bactériémies ou de sepsis clinique. La durée du cathétérisme, la présence d’une pathologie intra-abdominale active [26], l’importance des manipulations pour l’administration de médicaments et de nutriments, les précautions prises lors de ces manipulations sont étroitement liées au risque infectieux. Pour des raisons immunologiques, les enfants en nutrition parentérale et recevant des intralipides présentent un niveau de risque encore accru. L’incidence des bactériémies est plus élevée avec les CVC qu’avec les CVO, mais cette différence s’atténue lorsque l’on prend en compte la durée de cathétérisme.
Pneumonies liées à la ventilation
Apparaissant par définition après 48 h de ventilation (mais souvent plus tard), elles sont le deuxième site d’infections acquises en néonatologie [27] et représenteraient les deux tiers des pneumonies constatées à cet âge. Elles sont liées à la durée et à la technique de ventilation et sont facilitées par la prématurité, les troubles de la déglutition et d’autres conditions cliniques : hypertension pulmonaire, dysplasie, cardiopathies congénitales, suites de chirurgie thoracique… qui peuvent se présenter avec des symptomatologies voisines, ce qui ne facilite pas la démarche diagnostique. Il semble bien établi que l’utilisation de techniques de ventilation non invasives réduise le risque de pneumonie [28]. Pour la surveillance, des définitions dérivées des définitions du CDC sont le plus souvent proposées (Voir l’article de G. Thiriez et al.). Toutefois leur utilisation est là encore difficile tant la symptomatologie peut être peu spécifique : apparition ou changement d’un infiltrat au niveau d’une image radiologique, modification des sécrétions trachéales, troubles respiratoires, instabilité thermique, etc. De même les micro-organismes en cause sont difficiles à identifier, les résultats étant le plus souvent plurimicrobiens. Lorsque l’aspiration trachéale montre un micro-organisme unique, il peut s’agir d’une simple colonisation de la trachée. Lorsqu’ils sont pratiqués, le prélèvement protégé et le lavage broncho-alvéolaire sont plus spécifiques. Sont le plus souvent identifiés des bacilles Gram négatifs (P. aeruginosa, Enterobacter spp.), S. aureus, Enterococcus spp. ainsi que des SCN.
Autres infections
Les infections virales acquises en néonatologie sont transmises par les parents ou les personnels et sont probablement sous-estimées dans les études, sauf lorsqu’elles surviennent sous forme d’épidémie (virus respiratoire syncytial, rotavirus, adénovirus…). Les infections de la peau et des tissus mous quant à elles sont fréquentes en soins intensifs néonatals. Elles sont liées à la fragilité cutanée déjà citée et au déficit de défenses immunitaires du prématuré. Elles sont principalement dues à S. aureus y compris le SARM. Apparaissant sous forme sporadique ou de bouffées épidémiques, les entérocolites nécrosantes ont une origine complexe associant prématurité, lésions mésentériques associées à l’hypoxie, alimentation ou médication hyperosmolaire, avec présence d’un agent infectieux, notamment en cas d’épidémie. Elles peuvent se compliquer de bactériémies liées à différents germes intestinaux et de péritonites (Voir l’article de P. Thibon et al. qui présente un exemple d’entérocolites nécrosantes sous forme épidémique). Enfin, les conjonctivites sont fréquentes à la période néonatale. Elles sont la conséquence d’une contamination croisée ou de l’extension d’une contamination à partir d’un autre site (infection trachéo-bronchique). Pseudomonas aeruginosa en est la cause principale ainsi que certains virus.
Épidémies d’infections en réanimation néonatale
Survenant dans des unités réunissant des nouveau-nés particulièrement fragiles, les épidémies sont une menace grave et qui est souvent rapportée dans la littérature. Leur investigation doit conduire à des révisions draconiennes des pratiques de soins dans les unités concernées. Elles diffèrent sensiblement des bouffées épidémiques observées dans les autres unités de soins comme l’ont montré P. Gastmeier et al. [29] au terme d’une analyse des publications d’épidémies survenues avant 2005. Ces différences concernaient les germes en cause : plus souvent Klebsiella spp. et S. aureus spp. qu’Acinetobacter spp. L’extension des épidémies publiées était particulièrement large (24 enfants en moyenne) et surtout, pour 48,6 % de ces épidémies, la cause n’avait pas été précisément identifiée. La même observation a été faite par Stapelton [30] : au terme d’une revue de 75 publications d’épidémies à entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) (dont une majorité d’épidémies à Klebsiella spp.), 43 % étaient restées sans origine connue. Dans les autres cas, on compte l’identification d’un cas index (15 %), la défaillance d’un équipement ou de l’environnement (11 %), la contamination d’un soignant (11 %), des pratiques d’hygiène insuffisantes (9 %), la contamination d’une perfusion, du lait, d’un aliment ou d’une solution antiseptique (13 %). Lors de ces 75 épidémies, 1 185 enfants ont été colonisés et 860 infectés. Le taux de mortalité de ces derniers a été de 16 %. Deux épidémies sont rapportées dans le présent numéro (Voir l’article de X. Bertrand et al. qui présente un exemple d’épidémie d’infections staphylococciques). L’investigation de ces épidémies doit être rapide et globale. La rapidité est cruciale, la détection rapide de l’épidémie permettant la mise en place immédiate de mesures additionnelles de prévention de la transmission. Une collaboration régulière entre l’équipe d’hygiène et l’équipe de soins facilite cette réactivité. L’investigation comporte : une recension et analyse épidémiologique des cas et des résultats microbiologiques (y compris pour les enfants sortis, à la recherche d’un cas index) ; un dépistage des enfants de l’unité et des enfants sortis ; un dépistage parmi les personnels qui peut être proposé dans certaines investigations ; une évaluation précise des mesures d’hygiène par des observations directes (non programmées) des pratiques : matériel partagé (balance, toise, loupe oculaire pour fond d’œil…), produit liquide (savon doux, huile d’amande douce…) ; une observation de l’organisation du travail y compris celle des intervenants extérieurs au service (radiologie, électroencéphalographie, cardiologue, neurologue, chirurgien…), avec une attention aux déplacements des nouveau-nés à l’intérieur de l’unité et entre équipes de soins et personnels ; une investigation environnementale large (équipements, air, eau…) orientée selon la nature du micro-organisme en cause et un typage moléculaire des germes isolés par électrophorèse en champ pulsé ou autre méthode. Cette investigation permettra de formaliser le signalement interne et éventuellement externe via le circuit de déclaration des infections nosocomiales (application e-SIN) (Prévu par le Code de la santé publique : articles L.1413-14 et R.6111-17 - Voir l’encadré de M. Colomb-Cotinat et al.). La maîtrise de l’épidémie repose sur différentes mesures comme la révision et le renforcement des pratiques d’hygiène (hygiène manuelle, précautions standard, équipements de protection personnelle, soins vasculaires et respiratoires, alimentation…), l’instauration de précautions complémentaires, la désinfection des locaux et des équipements, l’utilisation de matériels dédiés à chaque enfant, le cohorting séparé des cas et des nouvelles admissions, voire la suspension des nouvelles admissions. Plusieurs rapports d’épidémies font état d’échecs liés à des mesures trop timides ou trop tardives [31]. La levée des précautions additionnelles est un moment délicat et repose sur un consensus entre cliniciens, microbiologistes et hygiénistes. Il faudra se laisser une marge de sécurité lorsque le risque de récurrence est élevé. Après la gestion d’un épisode épidémique, le service doit rester sous surveillance avec poursuite des formations et des renouvellements d’observations afin de s’assurer de la pérennité de l’application des bonnes mesures (malgré le turnover des professionnels).